On sourit de tant d’invraisemblance. Mais ce fait divers, comme beaucoup d’autres publiés à Paris, en dit long sur la façon dont la capitale regardait les campagnes : un monde à part, pittoresque, où la nature semblait libre de toutes fantaisies et les habitants à demi complices de ses mystères.
Cette vision condescendante, le cousin de mon grand-père, Armand del Fabre, la racontait aussi à travers une rencontre cocasse : un jour qu’il poussait sa bicyclette sur la montée du Méjean, deux voitures parisiennes s’arrêtèrent à son niveau.
Une femme lança, dans son parler pointu :
« Voici un petit indigène, il nous renseignera… »
Le mot lui resta en travers de la gorge. Mais, digne dans sa revanche, le “petit indigène” improvisa alors une légende sanglante pour expliquer le nom du Tunnel de la Femme Morte, que la dame nota religieusement dans son carnet de voyage.
« Allez désormais faire confiance aux guides ! » concluait-il en riant, des décennies plus tard.
Entre la brebis “mère du hérisson” et le jeune homme “indigène”, c’est la même histoire : celle d’un territoire jugé par ceux qui le visitent, plus fantasmé que compris.
Et peut-être, au fond, que ces récits d’exagération sont notre plus belle revanche : celle d’avoir su, en Lozère, rendre la réalité un peu plus incroyable qu’elle ne l’est.
L'histoire complète du tunnel de la femme morte est à retrouver ici.