"Atroce vengeance"

Le 05/01/2021 0

Dans Les Lozériens

Nous au village, aussi on a, de beaux assassinats ....

Il était une fois, en 1909, sur le Causse Méjean ...

              

La Croix de la Lozère (4 juillet 1909)

Les instigateurs

Gervais Justin BONNAL, cultivateur à la Begude Blanche, est né le 23 avril 1883 au Buffre de Jean-Baptiste et Marie-Rose Julier. Dispensé de service militaire en 1903 comme "fils puiné de veuve", il avait un frère ainé reconnu impotent et un cadet qui tombera pendant la grande guerre. Il avait également deux soeurs.

Il se marie en 1906 avec Marie-Mathilde Pradeilles des Avens.

En 1909, il avait 26 ans et deux fils en bas-âge.

Joseph Victor BOUSSUGE, cultivateur au Villaret, est le second d'une famille nombreuse de 10 enfants. Il est né le 5 septembre 1869 de Victor Boussuge et Fanny Bousquet. Plus âgé que son accolyte, il s'est marié deux fois.

En 1902, il épouse Marie Victorine BOULET d'Ispagnac, qui décède six mois après leur mariage, peut-être en couches. Un an plus tard, il épouse Zulma Albertine Marie PAUTARD de Vébron.

En 1909, il avait 40 ans, deux garçons et deux filles.

La victime

Marie-Louis Casimir VALGALIER, dit Canonge, est un "très lointain cousin". Il est né le 13 mars 1865 à Fraissinet de Fourques de Pierre Valgalier et Marie-Victoire Cassanis. Il est resté célibataire. Je ne sais pas si la discorde avec les deux autres datait de si longtemps, mais sur sa fiche matricule, on peut lire qu'il a été condamné en 1895 par la cour d'appel de Nimes à 15 jours de prison avec sursis pour "menaces de mort par écrit".

Que dit son acte de décès :

L'an 1909, le 21 juin à l'heure de midi, par devant nous Martin Henri, maire officier de l'état civil de la commune de Gatuzières canton de Meyrueis, arrondissement de Florac (Lozère) ont comparu les sieurs Valdeyron Adolphe cultivateur âgé de 56 ans domicilié à Aures dans cette commune et Gaujac Alphonse instituteur public âgé de 51 ans domicilié à Gatuzières, lesquels nous ont déclaré que le sieur Veygalier Marie Louis Casimir, âgé de 44 ans, cultivateur domicilié au Villaret commune d'Hures, est décédé hier à 7 heures du matin des suites d'un assassinat dont le théatre a été le Ségala territoire de la commune de Gatuzières, ajoutant que le défunt était né à Fraissinet de Fourques le 13 mars 1865, fils de Veygalier Pierre et de Victoire Cassanis son épouse décédés. Après nous être assuré du décès, nous avons aussitôt dressé le présent acte que les témoins ont signé avec nous après que lecture leur en a été faite.

 

Que s'est-il passé ?

Une sombre histoire de poules, d'après les journaux. Voici quelques extraits choisis, de la presse locale ... à la presse nationale !

La Lozère Républicaine du 27 juin 1909

Assassinat - Dimanche dernier 20 juin le nommé Veygalier, propriétaire à Fraissinet de Fourques, a été trouvé dans sa jardinière, sur le chemin de Perjuret à Aures, sur le Causse Méjean, le crane fracassé et le visage presque méconnaissable. Il avait cessé de vivre.

Le mobile du crime parait être la vengeance, cas la victime n'avait pas été dévalisée.

Sitôt prévenus le Procureur de la République et le juge d'instruction se sont transportés sur les lieux. Les soupçons se sont immédiatement portés sur un individu des environs qui avait, il y a quelques temps, proféré des menaces contre la victime. L'instruction suit son cours. Il serait à désirer que l'assassin fut découvert et que ce nouveau crime ne restât pas impuni, comme celui de Barre. Nous tiendrons nos lecteurs au courant.

P.S. - Au dernier moment nous apprenons que les assassins (car ils étaient deux) ont été arrêtés et conduits sous bonne escorte à la maison d'arrêt de Florac.

Ce sont les nommés Boussuges, âgé de 40 ans, du lieu du Villaret Commune d'Hures, marié, père de 4 enfants en bas âge et Bonnal, fermier à la Bégude Blanche, même commune, âgé de 25 ans, également marié, père d'un jeune enfant.

Ils ont fait des aveux. Le mobile du crime est bien la vengeance. Détail à noter : les femmes deux deux meurtriers sont toutes les deux dans une position intéressante. Nous donnerons de plus longs détails dans notre prochain numéro.

La Lozère Républicaine du 4 juillet 1909

Assassinat - Le Causse Méjean a été le 19 juin le théatre d'un terrible assassinat. M. Veygalier Casimir, âgé de 45 ans, domicilié à Fraissinet de Fourques s'était rendu ce jour-là au Villaret d'Hures où il possédait un petit domaine, pour y prendre un voyage de pommes de terres qu'il se proposait de vendre le dimanche sur la place de Fraissinet. A cause des accidents de la route, il avait emmené sur sa charrette attelée d'un mulet, 4 des sacs qui devait constituer le voyage jusqu'au haut d'une côte non loin de la ferme d'Aures où il les avait déposés et, il revenait vers 7 heures du soir sur le Villaret avec sa charrette vide prendre là les 4 autres sacs. Arrivé presque à destination, il fut attaqué par des agresseurs contre qui il lui fut impossible de se défendre, et, dans une lutte où son action fut à peu près nulle, il eut la tête complètement mutilée à coup de cailloux. Les malheureux ont mis le corps de la victime sur la charrette et l'ont ramené jusqu'à l'endroit où il avait déposé ses pommes de terre ; là, ils l'ont descendu, ont placé les 4 sacs sur la charrette et ont couché dessus le cadavre déjà raide, les pieds en avant du brancard, la tête en arrière avec la face reposant sur le bras droit dans la position d'un homme endormi ; ils ont ensuite coupé la guide d'un côté et ont laissé là leur victime.

Le mulet, ne recevant plas les ordres de son maitre, n'avança pas plus loin et l'attelage fut trouvé dans la même position le dimanche matin par un laitier nommé Puel qui se rendait à Hures. A la vue de Veygalier dont la tête était complètement mutilée et que les misérables avaient enveloppée dans sa blouse baignée de sang, il présuma l'horrible vérité et courut en hâte à Meyrueis afin de prévenir les gendarmes. Ceux-ci firent diligence vers l'endroit que leur indiquait le laitier et, après s'être assurés qu'il y avait bien présomption d'assassinat informèrent immédiatement le Juge de paix qui se transporta aussitôt sur les lieux accompagné du docteur Cambon afin de procéder aux constatations légales. Le docteur constata en effet que le meurtre n'était pas douteux et, ces Messieurs étaient là depuis une heure environ, lorsqu'arriva le Parquet de Florac accompagné du médecin légiste, que le Juge de paix avait prévenu par télégramme avant son départ de Meyrueis.

Par ordre du Parquet la dépouille du malheureux Veygalier est aussitôt transportée à la ferme du Perjuret à l'extrémité du plateau où les deux Docteurs procèdent à l'autopsie.

La population très paisible du canton de Meyrueis était consternée d'un pareil évènement dont les auteurs, tout le laissait supposer ne pouvaient être que des habitants du pays, ce qui est plus navrant encore.

On n'a pas tardé d'ailleurs à s'en asurer : le lundi matin, à la première heure le Juge de paix Rampon se transportait au Villaret et allait surprendre à leur levé les voisins de propriété de Veygalier ; il a perquisitionné les habitations, interrogé les habitants et recherché si minutieusement tout ce qui pouvait le mettre sur la piste des coupables, qu'il a quitté le Causse vers 6 heures du soir pour revenir à Meyrueis convaincu d'avoir découvert les deux assassins de Veygalier. Il a pu ainsi, rassurer la population très anxieuse, lui laissant espérer que les arrestations étaient imminentes. MM. le Juge d'instruction et le Procureur de la République ont pu se rendre sur le Causse le mardi matin et mettre la main sur les coupables à qui ils ont arraché des aveux. Ces deux bandits qui causaient déjà la terreur du voisinage : l'un Boussuge du Villaret par sa ruse et sa mauvaise foi, l'autre Bonnal de la Bégude Blanche par sa férocité de lion et qui étaient deux voisins de propriété de Veygalier ont été enchainés par les gendarmes se trouvant sur les lieux et, emmenés à Meyrueis où leur arrivée fut acclamée par les cris de "A mort ! A Cayenne !"

Incarcérés le lendemain dans la prison de Florac, ils attendent là l'arrêt de la Caour d'assises qui osons espérer sera sévère.

Le Temps du 25 aout 1909 (article repris intégralement par la Lanterne du 26 septembre 1909)

Le fait divers a mis quelque temps à franchir les frontières du département mais fut reporté dans quelques journaux nationaux, quelque peu enjolivé !

Assassinat : Un cultivateur de Fraissinet de Fourques, petite commune du canton de Meyrueis (Lozère), nommé Casimir Veygalier, dit Canonge, âgé de quanrante cinq ans, s'était rendu samedi soir, avec sa charrette attelée d'un mulet, sur la Causse Méjean, pour y prendre un chargement de pommes de terres et quittait le village du Villaret à la tombée de la nuit pour rentrer chez lui. Le lendemain, à l'auble, un berger apercevait l'attelage dans un terrain vague, non loin de la route, et découvrait Veygalier parmi les sacs, entièrement enveloppé dans une ample limousine toute rouge du sang que le malheureux fermier avait reçu par d'horribles blessures faites à la tête avec un instrument cotondant. Le meurtrier avait frappé avec une violence telle que la boite cranienne était broyée.

On a arrêté deux paysans du causse Méjean nommés Boussuges du Villaret et Bonnal de la Bégude Blanche. Ils ont tout d'abord protesté, mais en  présence de la déclaration d'un témoin affirmant avoir remarqué des taches de sang sur la chemise de Bonnal le lendemain du crime, ce dernier est entré dans la voie des aveux.

C'est pour tirer vengeance d'un procès intenté à Boussuges par Veygalier, au sujet de poules, que le meurtre de ce dernier a été commis.

 

Le XIXème Siècle du 10 septembre 1909

Atroce vengeance - Trois paysans de Causse Méjean, vaste plateau ride et désert de l'arrondissement de Florac (Lozère), s'étaient voués une haine mortelle parce que l'un d'eux, Veygalier Casimir, avait tué une poule de l'un des deux autres, Boussuge Joseph Victor, et s'était refusé à louer, pour le même prix, au troisième, Bonnal Gervais Justin, une de ses propriétés.
Pour tirer vengeance de ces "misères", Boussuge et Bonnal attendirent Veygalier sur un chemin désert où ils savaient qu'il devait passer avec sa charrette chargée de sacs de pommes de terre, et l'assommèrent à coup de pierre. Ils mirent une telle sauvagerie dans leur acte, que la tête du malheureux fut littéralement réduite en bouillie.
Le forfait accompli, les deux misérables pour faire croire à un accident, firent passer une des roues de la charrette sur les jambes de la victime, et ils voulaient en faire autant sur la tête, mais le mulet, sentant le cadavre, se refusa obstinément d'en approcher.
Non contents de cette profanation, les assassins chargèrent à plusieurs reprises le cadavre sur la charrette, tantôt sous les sacs de pommes de terre, tantôt dessus, conduisant l'attelage jusqu'au bord d'un précipice où ils allaient le faire tomber, lorsque, sous prétexte qu'il était contraire à la religion d'exposer Veygalier à pourrir sans sépulture, l'un des criminels, Bonnal, s'y opposa.
Ils se contentèrent alors de donner un violent coup de fouet à l'animal et de le laisser aller librement sur le chemin escarpé où il fut retrouvé le lendemain avec son lugubre chargement.
Boussuge a été condamné aux travaux forcés à perpétuité et Bonnal à quinze ans de la même peine. Ils sont respectivement âgés de 39 et 26 ans, mariés et pères de famille.
La victime avait 43 ans et était célibataire.

La suite

Ils embarquèrent tous les deux pour le bagne de Cayenne le 28 décembre 1909.

Boussuge y est décédé en juillet suivant, Bonnal, parait-il, en est revenu ...

Acte de décès de Boussuge :

L'an 1910, le 31 juillet par devant nous gendarme Alexandre commis principal de l'administration pénitentiaire, adjoint au maire remplissant par délégation les fonctions d'officier de l'état civil de Saint Laurent (Guyane Française) sont comparus les sieurs Pierret Gaston âgé de 34 ans, Saint-Clair Frédéric âgé de 27 ans, tous deux domiciliés à Saint Laurent, employés d'administration, lesquels nous ont déclaré que Boussuge Joseph Victor âgé de 41 ans environ ayant exercé la profession de cultivateur né à Hures département de la Lozère fils de Alexis Victor et de Fanny Euphrasie Bousquet seuls renseignements que nous avons pû recueillir est décédé aux Hattes sur cette commune hier soir à 3 heures. Lequel décès nous nous sommes assurés et en avons dressé par duplicata le présent acte que les témoins déclarants ont signé avec nous après lecture.

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