S comme SOULIER Firmin ou le soldat retrouvé

Le 22/11/2022 0

Dans Les Lozériens

Dans l'église Saint-Roch de Lajo, petit village du Nord Lozère, on peut encore lire sur la plaque commémorative des morts de 1914-1918 le nom de Justin Soulier. Déjà, c'est une erreur de prénom, car il s'agit en réalité de Firmin Soulier. La seconde erreur, c'est qu'il n'est pas mort du tout ! Enfin si, mais pas pendant la guerre. Un article paru dans la lettre Histoire et Patrimoine des AD48 retrace son incroyable aventure.

Decoration gravure soldat francais fusil baionnette

Articles dans Histoire et Patrimoine, n°38 et 39 (par Benoit Kwietniak)

Sa famille

Firmin Soulier voit le jour le 3 février 1888 dans le hameau de l'Estival, à Lajo. Il est le premier enfant vivant d'une fratrie qui en comptera dix Ses parents, Alban Marie et Marie-Adélaïde Hugon, étaient cultivateurs. Il est né un an après une petite soeur qui n'a vécu qu'une seule journée. Huit enfants sont nés après lui : 

  • Jean-Baptiste (1890-1914) - (Fiche Matricule)
  • Marie-Joséphine Marguerite, née en 1892
  • Marius Joseph Antoine (1894-1958) - (Fiche Matricule)
  • Jean-Gustave (1895-1976) - (Fiche Matricule)
  • Léonie Nathalie (1897-1978)
  • Maria Augustine (1900-1981)
  • Marcelin Marius (1901-1979)
  • Théophile (1904-1994)

Parmi les garçons, les quatre ainés ont été mobilisés lors de la déclaration de guerre, même les plus jeunes qui avaient à peine 20 ans. Firmin, comme son frère cadet Jean-Baptiste, incorpore le 96ème Régiment d'Infanterie basé à Béziers. 
Le 10 octobre 1914, le 96ème essuie une attaque allemande au moment de la relève des bataillons. Le bilan plutôt laconique inscrit en marge du journal de marche (voir ci-dessous) fait état de 12 tués et 20 blessés. Jean-Baptiste fait partie des blessés. Il décède le 15 octobre suivant à l'hôpital de Toul. Il avait 24 ans et avait le grade de caporal. Son frère Firmin faisait-il partie du même bataillon ? 

Sa fiche matricule
Son arbre Familles de Lozère

La bataille de Beauséjour

Après la bataille de Woevre, le régiment, embarqué à Toul, va prendre part à la bataille de l'Yser entre le 26 octobre et le 15 novembre 1914. Après cette frénétique course à la mer, qui se termine par l'échec sanglant des Allemands, le régiment occupe successivement divers secteurs autour d'Ypres (Dickebusch - Zillebecke - Voormezele) et supporte pendant deux mois d'hiver, sans repos appréciale, les rigueurs d'un secteur "marmité et détrempé".

Le moral de notre Firmin doit être au plus bas ; la perte de son frère, les conditions de survie effroyable, et certainement peu de nouvelles de ses autres frères et de sa famille.

Le 1er février 1915, la division, relevée par des troupes anglaises, quitte la Belgique. Ils sont acheminés par étapes vers la Champagne, et entrent, le 4 mars, dans le secteur de Beauséjour.

L'attaque de la "Butte du Mesnil" est confiée à la 61e brigade (Colonel Vernet) et c'est là un des plus "gros morceaux" de l'organisation ennemie. Les 6 et 7 mars, les unités du Régiment attaquent avec acharnement les tranchées allemandes, mais il semble que leurs efforts manquent de coordination et que la liaison avec l'artillerie soit imparfaite. L'ennemi, qui n'a pas été surpris, oppose à ces assauts ses plus vaillantes troupes. Historique du 96 Régiment d'Infanterie (Anonyme)

C'est au cours de cette journée du 7 mars que Firmin est déclaré disparu, comme l'indique la mention dans l'extrait de sa fiche matricule ci-dessus.

La suite de l'histoire, vous pouvez la lire dans les deux articles de "Histoire et Patrimoine". Comme le dit très bien l'auteur en conclusion : "Ce cas exceptionnel est pourtant révélateur du traumatisme subi par les Poilus, le désespoir extrême poussant certains à quitter le chap de bataille, au péril de leur vie. Comme les millions de morts et de disparus, les déserteurs sont aussi des victimes d'une guerre jusqu'alors d'une ampleur inconnue" ...

Que risquait-il ?

Un dossier très intéressant sur les déserteurs de la Grande Guerre est disponible sur Retronews (Hélas, accès abonnés uniquement !)
Au moment de l'entrée en guerre, le Code de justice militaire prévoit la peine capitale pour un certains nombre de délits, notamment pour la désertion. "Est puni de mort, avec dégradation militaire, tout militaire coupable de désertion à l'ennemi".

Même si la désertion a été marginale pendant le conflit, elle était largement dramatisée par les journaux de l'époque qui se montraient extrêmement durs envers les "lâches" et les "insoumis". En 1918, une loi est même votée pour renforcer les sanctions contre les déserteurs et permettre leur condamnation par contumace. Il faudra attendre le 29 avril 1921 pour qu'une loi instaure l'amnistie.

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