Triste condamnation

Le 22/11/2025 0

Dans La Lozère

Le Journal de la Lozère du 14 mars 1846 rapporte une affaire qui secoua la petite commune de Hures :

« Marianne Amarger, veuve Valgalier, âgée de 37 ans, née et demeurant à Nivoliers, commune d’Hures (Lozère), déclarée coupable d’avoir, dans la nuit du 13 septembre 1845, volontairement donné la mort à un enfant nouveau-né dont elle venait d’accoucher, a été condamnée à la peine de 20 années de travaux forcés. »

18460314 journal lozere

Quelques semaines plus tard, un autre numéro du même journal précise son transfert, en compagnie de deux autres condamnées, vers la maison centrale de Montpellier. Marianne Amarger avait alors perdu son mari, Louis Valgalier, mort l’année précédente, et laissé six enfants, dont au moins trois étaient déjà décédés en bas âge. Le dernier-né, né hors mariage, trouva la mort dès sa naissance dans des circonstances que la justice qualifia d’infanticide.

L'acte de décès de l'enfant est notifié comme suit dans les registres de la commune de Hures :

L'an mil huit cent quarante cinq et le huit octobre par devant nous Maire officier de l'état civil de la commune d'Hures canton de Meyrueis départemnt de la lozère, est comparu Antoine Brajon, menuisier domicilié à Ste Enimie de résidence à Nivoliers et Adrien Delmas dudit lieu d'Hures lesquels ont déclaré que ce jourd'hui neuf octobre on a transporté le cadavre décapité d'un enfant du sexe masculin qu'il a été trouvé dans la maison d'habitation de Marianne Amerger veuve de Louis Valgalier dont cette dernière s'est déclarée s'être accouchée, l'acte de naissance et de décès d'un enfant naturel reconnu par ladite veuve Valgalier, et il a été inhumé cejourd'hui et les déclarants ont signé avec nous le résent acte de décès après que lecture leur en a été faite.


Il est vrai que vu comme cela, l'infanticide ne laisse guère de doute ...

Une condamnation sévère

La peine prononcée – vingt années de travaux forcés – illustre la sévérité avec laquelle la justice du XIXème siècle traitait l’infanticide. Dans les campagnes, ces drames n’étaient pas rares. Les naissances hors mariage, la misère matérielle, l’absence de moyens de contraception et la peur du qu’en-dira-t-on plaçaient certaines femmes dans des situations insoutenables. La justice, relayée par la presse, se faisait l’écho de cette condamnation sociale, et les journaux publiaient les noms, les lieux, les circonstances, exposant publiquement ces femmes à l’opprobre.

Des registres du bagne ou des maisons centrales, il ne reste malheureusement aucune trace du passage de Marianne Amarger. Son nom ne figure pas dans les dossiers conservés, souvent lacunaires pour les femmes. Pourtant, un acte de décès retrouvé à Nivoliers atteste qu’elle est morte chez elle en 1866. Elle n’a donc pas accompli en totalité sa peine – peut-être fut-elle libérée plus tôt pour raison de santé, comme cela arrivait parfois.

Infanticide

Entre justice et misère sociale

L’histoire de Marianne Amarger rappelle la dureté d’une époque où la justice frappait fort, sans toujours prendre en compte les conditions de vie de celles qu’elle condamnait. Derrière le mot terrible d’«infanticide», il y avait souvent la détresse d’une femme isolée, veuve, déjà éprouvée par la perte de plusieurs enfants.

Ces affaires, largement relayées dans les journaux locaux, servaient d’exemple et de mise en garde : elles rappelaient à la population la rigueur de la loi et la sévérité de la morale publique. Mais elles laissaient peu de place à la compréhension des réalités sociales et psychologiques vécues par ces femmes.

Quelques sources à consulter :

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