Y a de l'eau dans le gaz !

Le 28/11/2025 0

Dans Les Bourguignons

Cet article aurait pu s'intituler "Rififi chez les Goux" mais ... il me fallait la lettre Y !

L'occasion pour moi de me pencher sur la "séparation de biens" que j'avais déjà vue dans d'autres circonstances mais dont je n'avais pas cherché la signification exacte.

18671024 courrier sl 18690605 courrier sl
Le Courrier de Saône et Loire du 24 octobre 1867 Le Courrier de Saône et Loire du 5 juin 1896

D'abord, qui étaient-ils ?

Arbre François et Rosalie Goux

François et Rosalie sont les sosas 60 et 61 de mes enfants, mes arrière arrière-grands-parents du côté maternel. Ils portaient le même nom de famille ; ils étaient effectivement parents très éloignés, leur ancêtre  commun était né en 1700. Nés tous les deux à Varennes-Saint-Sauveur, lui était voiturier et elle était couturière. 

Ils se sont mariés assez jeunes le 22 novembre 1852. Rosalie (de son vrai prénom Marie-Rose) était orpheline et vivait chez son oncle et tuteur Jean-Baptiste Sorgue, tisserand au Bourg de Varennes.

Ils étaient tous les deux relativement instruits ; leurs signatures fluides montrent qu'ils savaient écrire couramment.

Signature de francois goux Signature de rosalie goux

Après leur mariage, ils demeurent quelques années au bourg de Varennes, lui voiturier, elle couturière, puis s'installent définitivement à Armont, à trois kilomètres environ, en qualité de cultivateurs et y resteront toute leur vie.

François décède en 1894 à l'âge de 62 ans, antérieurement à Rosalie qui a vécu jusqu'à l'âge de 72 ans ; elle est morte en 1905.

Leur descendance

Ils ont eu 8 enfants dont deux décédés en bas-âge, les premiers nés à Varennes, les suivants à Armont :

  • Marie-Virginie Joséphine, née en 1853. Elle se marie en 1875 à un veuf, François Xavier BESSONNAT, tisserand à Varennes.
  • François Maurice, né en 1855 et décédé à l'âge de 6 ans.
  • Marie-Virginie, née en 1858. Elle se marie en 1879 à Jean-Marie BESSONNAT, tailleur au bourg de Varennes.
  • Alexandre, né en 1861, époux de Marie Louise BONIN, mes ancêtres.
  • Marie-Mélanie, née en 1864. Elle se marie en 1894 à Pierre Valéry CLERMIDY. Ils ont vécu à Dommartin-les-Cuiseaux.
  • Marie-Julie, née en 1866, décédée à l'âge de 4 ans.
  • Albert, né en 1869, domestique, valet de chambre, marié en 1899 à Marie-Julie DUMONT. Ils ont fait leur carrière à Paris.
  • Marie-Anaïs, née en 1873. Elle se marie avec Claude Marie BASSET, cultivateur, en 1898. Ils resteront vivre à Armont dans la ferme familiale.

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Frise individuelle de Goux François

Mais revenons à nos articles : la séparation de biens chez les Goux

Dans le droit civil français, le régime matrimonial par défaut (issu du Code civil de 1804) était la communauté de biens : les biens acquis pendant le mariage appartiennent aux deux époux.
Mais en cas de mésentente, de dettes ou de difficultés financières, l’épouse pouvait demander une séparation de biens devant le tribunal. Cela signifiait que :

  • les patrimoines de chacun étaient désormais distincts,
  • l’épouse retrouvait la libre administration de ses biens propres,
  • les créanciers du mari ne pouvaient plus saisir les biens de l’épouse.

Ce type de procédure était assez rare, mais prévu dès l’article 1443 du Code civil. Il s’agissait souvent pour une épouse de se protéger contre les dettes ou les faillites de son mari, surtout lorsqu’il exerçait une activité commerciale ou risquée.

La séparation de biens ne dissolvait pas le mariage : les époux restaient mariés sur le plan civil et religieux, mais chacun gérait son argent et ses biens de son côté. En pratique, cela revenait à une “séparation économique”.

Le cas de François et Rosalie

  • 1867 : Rosalie introduit la demande en séparation de biens.
  • 1869 : le jugement du tribunal civil de Louhans prononce la séparation, par défaut (François ne s’est pas présenté ou n’a pas contesté).
  • Résultat : Rosalie garde la maîtrise de son patrimoine personnel et ne risque plus de voir ses biens saisis pour les dettes de son mari.

C’est un acte fort pour l’époque : une femme paysanne qui prend l’initiative d’aller au tribunal pour se protéger. Cela suggère peut-être des tensions dans le couple (mésentente, dettes, caractère du mari…) ou une volonté pragmatique de préserver le patrimoine familial (souvent transmis par la famille de l’épouse).

La demande de Rosalie Goux, suivie du jugement de 1869, montre qu’au sein du couple, « il y avait de l’eau dans le gaz ». Mais plus qu’une querelle conjugale, cette séparation de biens témoigne surtout d’une stratégie de protection : mettre les biens de l’épouse à l’abri d’éventuelles dettes ou faillites du mari. Grâce à la presse locale, nous voyons se dessiner un pan de la vie quotidienne de mes ancêtres, où le droit devenait un outil concret pour préserver la famille et son patrimoine.

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